Carro 3 (La Chinoise)

L’épave Carro 3, identifiée comme la Chinoise, coulée en 1851 au large de Carro (Bouches-du-Rhône). Un transport fluviomaritime de verres du Rhône (depuis le centre verrier Richarmé, à Rive-de-Giers)  au port de Marseille.

L’étude de l’épave de la penelle La chinoise, permet d’aborder le rôle majeur joué par le verre comme mode de conditionnement des produits alimentaires provençaux de qualité, vendus au détail dès la seconde moitié du XVII^e siècle à la période industrielle.

Le gisement Carro 3 a été déclaré aux Affaires Maritimes en 1986, par un marin pêcheur de Port-de-Bouc, Gérald Savon, suite au chalutage, dans ses filets, d’une centaine de bouteilles en verre, à 800 m au large de la pointe Carro, dans la commune de Martigues. D’abord associée aux opérations de recherche de la carte archéologique des Bouches-du-Rhône (Long, 1992, p.26), l’étude de cette épave, immergée par 38 m de fond, a fait l’objet de trois campagnes sous-marines entre 2006 et 2008 sous la direction de Laurence Serra, doctorante au La3m avec le soutien logistique de l’association Arkaeos. L’épave se présente sous la forme d’un tumulus, brisé en deux parties, long de 20 m et large de 10 m, sur une hauteur d’environ 2 m, au point le plus élevé, recouvert par seulement une fine couche de sédiment vaseux résultant des alluvionnages du Rhône.

En surface et sur toute la longueur, des bouteilles en verre, bien visibles, sont en place, seulement perturbées à certains endroits par les chalutages. Pour que les bouteilles vides et par conséquent légères, n’aient pas flotté lors du naufrage, le bateau devait obligatoirement être ponté ou recouvert d’une toile tendue qui ont disparu. Plusieurs coupes, à différents endroits du tumulus, ont permis d’observer une organisation très méticuleuse du chargement. Le fret, très peu brisé, est estimé entre 10 000 à 15 000 pièces de verre soufflées de couleur vert foncé, de quatre tailles différentes mais présentant toutes la même forme, en cylindre allongé. Les bouteilles positionnées en quinconce, sont rangées par taille, sur toute la surface du bateau. Les petites bouteilles, 25 cl, reposent sur la couche supérieure, viennent ensuite les contenants moyens, 60 cl, puis les bouteilles de 90 cl. Au fond du bateau, les dames-jeannes de 2l reposent sur un lit de blocs de houille. Toutes les couches de bouteilles sont séparées par des lits de paille, nécessaires pour éviter la casse en cas de choc.

L’étude de l’architecture navale a été confiée à Fabrice Laurent, université Lyon Lumière II. L’épave de Carro 3 est un bateau qui relève du « système architectural assemblé » ; c’est à dire que la construction de son enveloppe (coque) procède de l’assemblage de planches (bordages) dont la cohésion est assurée par diverses membrures longitudinales et transversales calfatées à la mousse Le bateau présente un fond plat (sole) dont les bordages sont assemblés tranche contre tranche (à franc-bord). L’architecture de ce bateau résulte donc d’une « construction sur sole » ; c’est dire que l’assemblage du fond a constitué l’étape initiale de cette construction. De prime abord cette architecture peut paraître singulière dans cet espace de navigation maritime, car elle relève d’un principe de construction caractéristique de l’architecture navale fluviale. Les navires typiquement maritimes, carénés, sont en effet ordinairement bâtis autour d’une charpente, assimilable à un squelette, dont la quille constitue la colonne vertébrale et calfatés à l’étoupe. Deux arguments vont dans le sens d’une embarcation pour le fleuve et la mer : la position du naufrage, entre la sortie du Rhône et le port de Marseille et surtout le principe de construction, de type penelle ou allège.L’épave de Carro et sa cargaison s’inscrivent dans le cadre d’une navigation fluviale le long du Rhône, puis côtière en Méditerranée, navigation déjà pratiquée dans l’Antiquité.

Auteur : L. Serra